La Cour de cassation, par deux arrêts de la 3e chambre civile du 15 juin (n°16-19.640) et du 14 septembre 2017 (n°16-17.323), destinés à une large publication, vient de prendre une important position de principe sur l’application des articles 1792-2 et 1792-3 du Code civil ; position qui n’a pas manqué de surprendre les praticiens du droit de la construction.

Pour comprendre la portée de ces deux arrêts, il convient de rappeler les termes des deux articles ci-dessus :

–        Article 1792-2 :

« La présomption de responsabilité (de l’article 1792) s’étend aux dommages qui affectent la solidité des éléments d’équipement d’un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondations, d’ossature, de clos ou de couvert. »

L’indissociabilité existe « lorsque la dépose, le démontage ou le remplacement ne peut s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage. »

–        Article 1792-3 :

« Les autres éléments d’équipement de l’ouvrage font l’objet d’une garantie de bon fonctionnement, d’une durée minimale de deux ans à compter de sa réception. »

Sur le fondement de ces deux articles, la distinction paraît claire :

–        Eléments d’équipement indissociables (selon les critères ci-dessus) : responsabilité décennale.

–        Eléments d’équipement dissociables : garantie de bon fonctionnement d’une durée minimum de deux ans.

Un arrêt de la Cour d’appel de Douai du 21 avril 2016 à propos de la fourniture et de la pose d’une pompe à chaleur air / eau avait retenu que bénéficiaient de la garantie décennale uniquement les éléments d’équipement installés au moment de la réalisation de l’ouvrage, ce qui n’était pas le cas de la pompe à chaleur.

Ainsi, la Cour d’appel de Douai avait bien fait la distinction les travaux d’installation d’un élément d’équipement soit d’origine, soit installés sur l’existant ; seuls les premiers pouvant être soumis au régime de la responsabilité décennale.

La Cour de cassation, par son arrêt du 15 juin 2017, casse la décision au motif que :

« Les désordres affectant les éléments d’équipement dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ». (Ce qui était le cas en l’espèce, puisque cet élément d’équipement, sans provoquer de sinistre, en raison de son dysfonctionnement avait rendu l’immeuble sans chaleur ni eau chaude, impropre à sa destination).

Le second arrêt du 14 septembre 2017, dans la droite ligne du premier, a cassé une autre décision de la Cour d’appel de Douai du 17 mars 2016, qui avait considéré que les travaux d’installation d’un insert de cheminée :

–        N’étaient pas assimilables à la construction d’un ouvrage.

–        N’étaient pas davantage un élément d’équipement indissociable.

Et par voie de conséquence, que la responsabilité de l’entreprise ne pouvait pas avoir pour fondement la responsabilité décennale.

La Cour de cassation a cassé cet arrêt en considérant (comme l’arrêt du 15 juin 2017) :

–        Qu’il importe peu que les éléments d’équipement soient dissociables ou non.

 –        Qu’il importe peu qu’ils soient d’origine ou installés sur l’existant.

 –        Et qu’ils relèvent de la responsabilité décennale dès lors qu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.

Il apparaît en conséquence que pour la Cour de cassation dorénavant, la frontière entre responsabilité décennale et garantie de bon fonctionnement pour ce qui concerne les éléments d’équipement :

–        N’est pas leur caractère dissociable ou non.

–        Leur installation d’origine ou sur existant.

–        Mais, l’ampleur du sinistre qui rend ou non l’ouvrage impropre à sa destination.

Cette appréciation devrait être présente à l’esprit en cas de sinistre et dans le déroulement de la procédure ainsi que de l’expertise technique.

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