Dans son arrêt du 15 mars 2023[1], la chambre commerciale de la Cour de cassation juge, pour la première fois, qu’une décision de SAS qui ne respecte pas le régime des décisions collectives fixé par les statuts pouvait être annulée.

En effet, l’alinéa 4 de l’article L. 227-9 du Code de commerce permet à tout intéressé de demander l’annulation des décisions de SAS prises en violation des clauses statutaires qui, en application de l’alinéa 1 de ce texte, définissent d’une part le domaine de compétence des associés complémentaire à celui fixé par la loi et, d’autre part, les modalités de l’adoption des décisions collectives concernées.

Cet arrêt vient compléter, pour les SAS, le régime de droit commun des nullités des actes et délibérations des sociétés commerciales.

Jurisprudence antérieure

La jurisprudence antérieure était fixée en ces termes :

  • Com., 18 mai 2010[2]: le non-respect des statuts n’est pas sanctionné par la nullité à moins qu’une disposition impérative permette d’aménager conventionnellement cette règle.
  • Com., 26 avril 2017[3]: application de cette jurisprudence aux décisions prises en violation des clauses statutaires définissant les décisions relevant de la compétence de la collectivité des associés de SAS en application de l’article L. 227-9, al. 1, du Code de commerce.

Revirement de jurisprudence

L’organisation et le fonctionnement des SAS relèvent essentiellement de la liberté statutaire.

Le respect des clauses statutaires est ainsi essentiel au bon fonctionnement d’une SAS et à la sécurité de ses actes.

La jurisprudence antérieure conduisait à ce que les violations ne puissent être sanctionnées et donc affaiblissait la force obligatoire des statuts de SAS. En effet, les règles de fonctionnement de ces sociétés « contractuelles » apparaissaient moins bien protégées que celles des autres sociétés qui les prévoient dans des dispositions légales impératives.

Dès lors, la Cour de cassation a considéré qu’il convenait d’adopter une lecture large de l’alinéa 4 de l’article L. 227-9 (« Les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé ») et de considérer que ce texte s’applique aux violations des dispositions statutaires organisant les décisions collectives en application non seulement de l’article L. 227-9 alinéa 2 mais aussi alinéa 1.

Décisions visées par la nullité nouvellement reconnue

Sont visées par cette annulation possible :

  • Les décisions de SAS qui ne respectent pas la compétence réservée par les statuts à la collectivité des associés en application de l’article L. 227-9, alinéa 1 du Code de commerce
  • Les décisions collectives prises par les associés sans respecter les formes et conditions d’adoption posées par les statuts en application de l’article L. 227-9, alinéa 1.

La violation de la compétence obligatoire des associés, disposition impérative consacrée à l’alinéa 2 de l’article L. 227-9, était déjà sanctionnée par la nullité avant l’arrêt commenté. Par conséquent, la décision ne porte pas sur cet alinéa.

Condition de la nullité nouvellement reconnue

La Haute Juridiction précise que la nullité peut être poursuivie par tout intéressé lorsque la violation des règles statutaires est de nature à influer sur le résultat du processus de décision.

Par conséquent, le demandeur doit prouver qu’il existait une possibilité que la décision prise soit différente (non pas qu’elle l’aurait forcément été). Appréciation au cas par cas.

Conclusion

L’arrêt du 15 mars 2023 de la Cour de cassation élargit la portée de l’alinéa 4 de l’article L. 227-9 du Code de commerce en se focalisant sur l’alinéa 1 de ce texte, relatif à la liberté statutaire de déterminer les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés.

La force obligatoire des statuts de SAS se trouve alors renforcée, apportant ainsi une meilleure protection des règles de fonctionnement et des actes des sociétés constituées sous la forme de SAS.

[1] Cass. Com., 15 mars 2023 / n°21-18.324
[2] Cass. Com., 18 mai 2010 / n°09-14.855
[3] Cass. Com., 26 avril 2017 / n°14-13.554